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N°44, le mystérieux étranger de Twain

Couv souple

Avis aux amateurs de lectures étonnantes, lecteurs curieux, en ce 25 décembre tout doux, et en guise de cadeau pour vous, voici « N°44, le mystérieux étranger ». Le dernier roman de Marc Twain, 1835-1910, père de Tom Sawyer, héros parmi les plus adorés des enfants aventuriers, et des adultes épris de liberté.

Ce dernier roman est paru en français pour la 1ère fois en 2011 aux éditions Tristram, et en octobre dernier en version poche « de luxe » de la même maison : collection Souple qui porte littéralement bien son nom. C’est surtout la version la plus proche possible du dernier manuscrit de cet auteur, et voilà qui est déjà toute une histoire.

Samuel Langhorne Clemens, alias Marc Twain (pseudo emprunté aux cris des bateliers à vapeur du Mississipi), consacra à ce dernier roman les douze dernières années de sa vie, et le réécrit trois fois. Son objectif : dire ce qu’il avait toujours voulu dire sur l’homme, sans se soucier du qu’en dira-t-on. Rien de moins. Résultat : son exécuteur testamentaire l’expurgera de nombre de passages polémiques lors de sa publication posthume, et ce n’est que quelque soixante ans après sa mort, que le livre est publié en 1969 aux Etats-Unis, tel que Twain l’avait laissé en 1910.

Voilà pourquoi la version proposée par Tristram est si intéressante. En poche pour à peine 10 € dans un souple et doux objet livristique, ces écrits longuement maturés d’un écrivain aventurier et humaniste libéré valent le détour. L’action se déroule dans une imprimerie d’Autriche au 15ème siècle, et malgré ce décor moyenâgeux elle offre un délectable décalage de point de vue par rapport à notre banale vision du quotidien. A travers l’arrivée dans ce petit monde obscur d’un mystérieux vagabond, moult péripéties fascinantes adviennent. Au cœur de ce roman, c’est l’humain dans toute sa formidable capacité au meilleur comme au pire qui se montre, et est analysée de manière inédite. Malgré le caractère implacable de cette fable audacieuse, le tout s’achève en une forme de philosophie étrangement apaisante, et bienvenue.

Extraits choisis :

« En moi-même, je souffrais pour le garçon, car je voulais être son ami et j’aurais tant aimé le lui dire, mais je n’en avais pas le courage, j’étais fait comme le sont la plupart des gens et j’avais peur de suivre mes propres instincts quand ils allaient à l’encontre de ceux des autres. Le meilleur d’entre nous préfère être populaire à avoir raison. Je m’en suis aperçu il y a longtemps. Katrina restait l’amie intrépide du garçon mais elle était la seule. ».

« … rien qu’une allégorie vivante de la fausseté et de la prétention depuis sa visière en soie verte jusqu’à ses talons qui se soulevaient et retombaient, un spectacle et un remue-ménage propres à du 3000 à l’heure sans même parvenir à 600 et encore en tirant à la ligne et avec du double interligne. Il était impénétrable que Dieu puisse supporter un singe de ce genre, alors que la foudre est si bon marché. »

Bonne lecture aux amateurs qui se laisseront tenter !

Jilda Hacikoglu